L’alarme de mon téléphone a sonné à 21 h 56. Ça devait faire à peine 20 minutes que j’avais réussi à fermer les yeux. Nous nous étions couchés vers 18 h 30, mais impossible pour moi de dormir. Les maux de ventre, le stress et le bruit ont troublé mon sommeil jusqu’à la toute fin, lorsque est venu le temps de se lever. Mon sac de randonnée était prêt. Il ne me restait qu’à m’habiller et à manger un petit quelque chose. Ce fut un petit déjeuner de yogourt, pain et céréales préparé par nos guides dans le refuge Whymper, où nous avions passé la nuit.
Il était temps pour les derniers préparatifs : mettre de la crème solaire, enfiler le casque, la lampe frontale, puis le harnais. Je suis sorti du refuge à 23 h avec Mathieu pour attendre le reste des cordées et, à 23 h 10, nous commencions à marcher. Notre guide Alberto, qui était en avant de nous, a commencé sur un pas assez lent, celui de notre ascension. C’était une bonne chose, selon moi, d’y aller à ce rythme. On a beaucoup plus de chances d’atteindre le sommet en étant moins épuisé en partant ! Une heure après notre départ du refuge, nous avons enfilé nos crampons de glace, car la montée devenait plus abrupte. Nous sommes montés jusqu’à 5,500 m d’altitude, à un endroit nommé El Castillo, pour prendre notre première pause après environ 2 heures d’ascension. C’était bien mérité, à mon avis ! Assis dans le sable, à l’abri du vent, nous en avons profité pour nous hydrater et nous mettre quelque chose sous la dent. Nous avons ensuite repris le chemin en direction du sommet (du moins, nous l’espérions).
Après 3 heures de marche assez intense, nous avons enfin atteint le glacier qui recouvre le Chimborazo. L’ascension était longue et devenait très à pique. On s’arrêtait toutes les 20 minutes pour prendre une pause et, chaque fois, l’intervalle entre les pauses nous paraissait une éternité. Lorsque la lune a disparu, au milieu de la nuit, il a commencé à faire très noir. Étant donné les longues heures de marche et mon manque de sommeil, l’ascension devenait de plus en plus difficile physiquement. Mon moral, lui, était bon, car je voulais atteindre ce sommet à tout prix (depuis le temps qu’on se préparait pour l’affronter !) J’avais mal à la tête mais je continuais quand même. Mes pieds me faisaient mal aussi, ils étaient gelés depuis de longues heures. Valait mieux ne pas trop y songer… Je me devais de continuer, il n’était surtout pas question d’abandonner. Mathieu était derrière moi et je n’osais pas trop lui demander comment il se sentait, de peur qu’il ait voulu abandonner. Il avait les pieds gelés aussi et il ne se sentait pas à son meilleur. Je me suis contenté de l’observer à l’occasion pour m’assurer qu’il se sentait bien. À un certain moment, j’ai voulu demander à notre guide, Alberto, à quelle distance nous étions du premier sommet, mais je me suis ravisé. Je préférais ne pas être démoralisé s’il m’avait dit : « Es 4 horas de la cumbre » (On est à 4 heures du sommet). J’ai continué de marcher péniblement dans l’obscurité pendant des heures avec comme seule lumière le petit faisceau de ma lampe frontale. J’ai décidé de lever les yeux vers le ciel, et c’est alors que je me suis aperçu qu’il était complètement étoilé. Savoir que nous allions avoir un beau spectacle une fois rendus au sommet m’a redonné la force et la détermination pour continuer.
Il était 5 h 10 lorsque nous sommes arrivés près du sommet Veintimilla, à 6,267 m d’altitude. J’étais tellement heureux ! Selon Alberto, il nous restait 45 minutes avant d’atteindre le vrai sommet du Chimborazo. Nous pouvions apercevoir deux personnes au loin, dans la pente finale vers le sommet.
Nous avons atteint le sommet du volcan Chimborazo, plus haut sommet de l’Équateur, à 5 h 45, le 3 août 2017. L’émotion que nous avons ressentie à cet instant était indescriptible. Un vrai sentiment de fierté. Nous avons remercié notre guide et l’avons serré dans nos bras. Nous avons échangé quelques mots avec les deux premiers à être arrivés au sommet ce matin-là. Il s’agissait d’un Français qui avait déjà résidé à Québec et de son guide.
J’avais mal à la tête depuis un bon bout de temps maintenant. La douleur avait augmenté graduellement pendant l’ascension, mais c’était endurable. Rendu au sommet, toutefois, c’était plus douloureux. J’ai donc décidé de prendre 3 comprimés de 500 mg d’acétaminophène (Tylenol) et j’en ai proposé à Mathieu qui, lui aussi, souffrait d’un mal de tête. Au cours de l’ascension, on était tous les deux conscients de la douleur de l’autre et on aurait su à quel moment se le dire si ça avait été insupportable.
Un Australien que nous avions rencontré au refuge est arrivé au sommet environ 20 minutes après nous. Les guides m’ont demandé de prendre des photos d’eux. Entre-temps, j’ai remarqué que Mathieu n’allait pas bien. Lorsque je suis allé le voir, il se trouvait à quatre pattes, et du rouge couvrait la glace autour de lui. Avant de paniquer, je lui ai demandé la cause du problème. Il m’a pointé sa gorge, sans parler. J’ai alors compris que c’était le comprimé d’acétaminophène (de couleur rouge) qui était coincé là. Je lui ai apporté de l’eau et je lui ai proposé de s’asseoir pour l’aider à faire passer la pilule. Ceux qui connaissent Mathieu savent bien qu’avaler des comprimés n’est pas une tâche dans laquelle il excelle… Après cette épopée d’une dizaine de minutes, il a été en mesure de profiter avec nous des joies du sommet.
Après presque 45 minutes au sommet, il était temps de prendre le chemin du retour. Nous avons fait la marche entre les deux sommets sans être en cordée. Alberto a repassé la corde entre nous pour commencer la descente. C’était si abrupt que j’avais peine à croire qu’on avait gravi ça. La descente était longue et je devais m’arrêter à l’occasion pour boire un peu d’eau ainsi que pour l’évacuer ! Lorsque nous sommes descendus du glacier pour rejoindre la roche, Alberto tenait à ce qu’on garde nos crampons. On devait les garder jusqu’à la toute fin même si on marchait dans les cailloux (ouf !). Nous sommes arrivés au refuge vers 9 h 30 avec le sourire fendu jusqu’aux oreilles, fiers de notre réussite mais aussi très fatigués ! Il n’était pas possible d’aller dormir tout de suite, car nous devions nous rendre au refuge Carell plus bas sur la montagne, avec tout le reste de notre équipement ainsi que celui laissé au refuge Whymper. C’était difficile et assez lourd considérant ce que nous venions d’accomplir, mais nous n’avions pas le choix.
Pour ma part, l’ascension du Chimborazo a été certes un accomplissement, mais surtout le but ultime du voyage en Équateur. Cette expérience nous a permis, à Mathieu et moi, d’en apprendre beaucoup sur nous-mêmes. Être seul pendant un peu plus de 6 h 30 avec comme seul son celui de la glace sous les crampons peut être ennuyant pour certains, mais être en combat avec sa tête et son corps pour tenter de se rendre à des endroits extrêmes comme celui-ci, c’est le meilleur sentiment du monde. C’était une super première expérience pour nous deux en tant qu’alpinistes. Nous avons adoré.
Ce texte a été écrit le 4 août, le lendemain de l’ascension.
Alain Côté
Salut Alain, je viens de lire ce que tu as écrit de cette difficile montée, c’est vraiment beau. Juste te dire le sentiment de fierté qui m’a envahi en te lisant. Déjà tout petit tu savais ou tu allais, tout en t’occupant de tous ceux qui t’entourent. Je te félicite toi et Mathieu pour votre courage. Aussi, je crois que tous ceux qui feront un bout de chemin en ta compagnie, peu importe l’endroit en sortiront grandit. Un papa fier.
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Merci beaucoup pour ton beau commentaire papa, très très touchant ! :’)
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Tout un exploit! les photos sont magnifiques! quel genre de préparation physique faites vous avant de partir en expédition?
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Merci beaucoup Robin! Les éléments importants lors de la préparation d’une tel expédition sont les suivants: une bonne préparation physique, une bonne préparation mentale pour être prêt à affronter le sommet et une très bonne acclimatation dans les règles de l’art afin de mettre les chances de son côté. Pour ce qui est de la préparation physique, nous étions déjà bien préparé mais il faut aller en montagnes,
aller en montagnes et aller en montagnes. Nous avons aussi fait des exercices tel que le « mountain climber ». Il faut s’assurer d’avoir un très bon cardio car en altitude, par exemple à 5,000m notre fréquence cardiaque pouvait être à plus de 90 battements par minute au repos!! Il faut aussi maîtriser les techniques de base de marche sur glacier avec crampons et piolet. J’espère que ça répond à vos questions ! Merci !
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Au niveau de la préparation mentale vous faite quel genre de préparation? Visualisation?
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Oui de la visualisation et on pense à la récompense de tout nos efforts et de la préparation qu’a engendré cette expédition. On voulait vraiment atteindre le sommet!
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Bonjour Alain!
J’aimerai savoir par quelle agence de guide vous êtes passé ?
Merci pour ce beau récit et bravo!
Marcel
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Bonjour Marcel, nous avons fait affaire avec Andean Adventures. Le propriétaire se prénomme John et il a habité plus de 40 ans au Canada et parle très bien l’anglais. C’est d’ailleurs eux qui gère les deux refuges sur la montagne. Sans hésitation je dirais de les choisir. Ils connaissent la montagne mieux que quiconque. Merci et bonne journée!
Alain
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